Virgile Fraisse construit des films et des installations qui, nourris de géopolitique internationale et d'études culturelles, sondent la puissance des images produites par les industries culturelles et les forces à l'œuvre dans leur circulation. Lors d'un échange à Los Angeles, le point préliminaire de sa réflexion porte sur sa rencontre avec la critique institutionnelle californienne et la proximité des studios hollywoodiens. Dans le film Situations suivantes (2014), il présente un vivier de scénaristes occupés à écrire une série sud-africaine. Dans l'échange entre les protagonistes apparaît leur intention consciente d'exercer, par le biais du récit, une forme de soft power, en abordant certains sujets sociaux sensibles. Fraisse s'est ensuite penché sur la question toute matérielle de la transmission des images. Le projet en cours, SEA-ME-WE, conçu sous la forme d'une trilogie, porte ainsi sur le réseau éponyme de câbles sous-marins à fibres optiques, qui véhiculent l'essentiel des télécommunications mondiales. Premier film de ce cycle, Scribbles and Broken Line (2015) est projeté dans une structure en métal blanc, tautologiquement inspirée d'un débarcadère, abritant deux écrans diffusant alternativement les scènes tournées dans les ports de Marseille et de Palerme, deux villes du parcours. des câbles. A Marseille, les comédiens se livrent à une sorte de jeu de rôle mêlé à la tragédie grecque, esquissant les enjeux diplomatiques sous-jacents à ce réseau mondial. A Palerme, sur le ton de la Commedia dell'Arte, les acteurs évoquent les complications environnementales liées à la pose de câbles au fond des océans. Cette façon d'articuler une réflexion exigeante et volontiers critique sur l'impact des récits, et de le dédoubler à l'infini, en le traitant sous une forme théâtrale, rappelle les mots de Jacques Rancière dans Le Partage du sensible, esthétique et politique (2000) : « La réalité doit être romancée pour être pensée ».